Shelley (1792-1822) est mort à trente ans en laissant une œuvre singulière et abondante, visionnaire et fulgurante. Poète et penseur précoce, il fut le Rimbaud de l’époque romantique, tant par ses audaces littéraires que par son rejet farouche de la civilisation bourgeoise naissante.
C’est la première fois que les écrits séditieux du grand poète romantique anglais Shelley sont réunis en un recueil. Celui-ci comporte un long texte entièrement inédit en français : les notes du poème philosophique La Reine Mab, qui se lisent comme une succession de pamphlets : réfutation du christianisme, plaidoyer pour l’amour libre, défense du végétarisme.
La Reine Mab, qu’on ne trouve en français qu’au fin fond des bibliothèques, fut longtemps le livre fétiche et clandestin du mouvement ouvrier anglais, au temps des chartistes et des premières unions ouvrières. On le faisait circuler sous le manteau, on en récitait avec passion des passages entiers lors des réunions syndicales. Outre ce classique de la subversion et ses appendices inédits, on trouve dans ce recueil : L’Adresse au peuple sur la mort de la princesse Charlotte, superbe pamphlet publié après l ’exécution d’agitateurs manipulés par des mouchards en 1817, mise en parallèle avec le décès de l’héritière du trône d’Angleterre. La Mascarade de l’Anarchie et cinq poèmes écrits après le fameux massacre de «Peterloo» en 1819, quand Wellington fit sabrer la foule ouvrière à Manchester. Ainsi que plusieurs petits poèmes et fragments, qui ont en commun d’être écrits avec une plume acérée au service d’un esprit libre et élevé.
Shelley fut exclu d’Oxford à 18 ans pour avoir publié coup sur coup un éloge des régicides et une apologie de l’athéisme (tous deux contenus dans le recueil). Il prit publiquement la défense des tisserands briseurs de machines et des ouvriers radicaux que le pouvoir pourchassait. Né riche, il préféra renoncer à la fortune paternelle plutôt que de renoncer à sa liberté, notamment dans ses amours. Ami intime du flamboyant lord Byron, il parcourut l’Italie en sa compagnie et s’y noya sur une plage de La Spezia. Sa seconde épouse, Mary, est l’auteur de Frankenstein ou le Prométhée moderne, charge contre les errances de la science, où la patte de Shelley est très visible.