Les communautés affinitaires dissidentes remontent à la plus haute antiquité. C’est leur histoire tumultueuse que Kenneth Rexroth relate dans ce livre, publié aux États-Unis en 1974, au soir de sa vie de poète et d’en-dehors.
Les millénaristes du Moyen Âge et de la Renaissance puis les communautés utopiennes des deux derniers siècles ont incarné la quête optimiste, du partage des ressources et des émois, inspirée par le rejet de l’ordre établi. Ces courants très divers – ascétiques ou orgiaques, mystiques ou « matérialistes » – constituent une tendance historique constante que Rexroth nomme le communalisme.
Ce récit montre comment une foi teintée de messianisme a continué d’imprégner les tentatives de mise en commun, même quand elles étaient laïques et « scientifiques » – comme celle des fouriéristes, icariens et autres anarchistes, à une époque où la révolution ne semblait pas impossible. Rexroth évoque aussi longuement les communautés affinitaires qui se sont formées aux États-Unis jusqu’en 1974.
Ce livre sortira, en France, en mai 2019 – en un printemps qui suivra un « hiver du mécontentement » et pourrait fort bien le prolonger. Ces périodes de troubles sociaux sont généralement propices aux interrogations, sur la nature inégalitaire et grisâtre, coercitive et lacrymogène de la société.
L’auteur
Kenneth Rexroth est né dans l’Indiana en 1905. Il passe la plus grande partie de son adolescence à Chicago, où il fraye avec des musiciens, des artistes, des agitateurs radicaux, des excentriques.
Autodidacte, il lit énormément, se fait poète et peintre d’avant-garde et entreprend, tout seul, l’étude de plusieurs langues. À 20 ans, il a déjà parcouru en tous sens les États-Unis en auto-stop, travaillant l’été dans des ranchs ou des camps de bûcherons.
En 1927, il s’installe à San Francisco, ville chère à son cœur, car fondée non par des puritains, mais par « des joueurs, des prostituées, des brigands et des aventuriers ». Dans les années 1930 et 1940, il y milite dans des groupes antiracistes et libertaires. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est objecteur de conscience et constitue un groupe pacifiste.
Puis il joue un rôle actif dans la « Renaissance » littéraire et artistique du San Francisco de l’après-guerre, puis dans l’éclosion de la « Beat Generation ». Le 7 octobre 1955, Rexroth organise la première et scandaleuse lecture publique du poème-culte Howl par son auteur, le beatnik Allen Ginsberg.
En 1968, il s’installe à Santa Barbara, où il donne des cours sur la poésie libre et la chanson engagée, et y réside jusqu’à sa mort, en 1982.