Ce dernier texte, écrit en prison, relate avec une faconde toute méridionale les derniers jours de liberté de Jacob en même temps qu’il donne un aperçu saisissant du milieu illégaliste de la « Belle Epoque ».
Ce récit écrit de la main d’un des plus ingénieux cambrioleur de tous les temps, doublé d’un militant libertaire plus que désintéressé et extrêmement lucide, se lit comme un véritable polar.
L’Insomniaque, qui a publié à dix ans de distance, l’intégrale des Écrits de Jacob, réédite ici, dans sa collection de poche Petites insomnies avec une préface plus détaillée, ces deux textes déjà réunis en un petit volume depuis épuisé.
« Le moment était des plus propices. L’homme aux lunettes me tournait le dos. Le chauffeur était tout à sa machine. Poil de Carotte, le mouchoir à la main se frottait, s’essuyait, se refrottait et se ressuyait les yeux ; les larmes lui en ruisselaient sur les joues.
Il avait de l’occupation, péchère ! L’individu aux poils de lapin, le nez au vent, plongé dans une rêverie, le regard lointain droit devant lui, était impatient, sans doute, d’arriver à Pont-Rémy.
Que d’idées, de passions, de sentiments contraires s’agitaient dans ces cinq cervelles ! « Le premier coup au gendarme, le second au procureur ; quant aux autres, ils me tournent le dos : je verrai ce qu’il faudra faire », me disais-je en me causant à moi-même. Et, tout doucement, petit à petit, je sortais mon revolver de la poche, en le tenant caché dans la manche afin de le dérober à leur regard. Enfin… le voilà sorti. Je l’avais en main, le doigt sur la détente, mirant l’oreille du brigadier comme but afin de le foudroyer d’un seul coup, lorsque soudain, un cahot de l’automobile, plus violent que les autres, me jeta violemment sur le gendarme. Instinctivement, j’avançais la main pour me cramponner et, le revolver échappé de ma main tomba sur le couvercle d’un panier d’osier où j’étais appuyé, puis, par ricochet il dégringola sur la route…»